«Pour assurer le succès d’une fusion-acquisition, un seul plan B ne suffit pas: il en faut autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet.»

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«Pour assurer le succès d’une fusion-acquisition, un seul plan B ne suffit pas: il en faut autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet.» Daniel Gerber et Martin Wegmüller préparent l’avenir de la Poste: ils recherchent de nouvelles solutions professionnelles et de nouveaux partenariats adaptés à l’ère numérique.

Texte — Fredy Gasser
Photos — Tom Huber

Monsieur Wegmüller, quand vous évoquez votre activité au sein de l’unité Services de communication de la Poste, vous la comparez à un grand navire…

Martin Wegmüller: Absolument, un grand navire qui vogue sur la mer. Mon travail consiste à garantir que notre unité avance dans la même direction que l’ensemble du groupe (stratégie), que le personnel respecte les règles établies afin de pouvoir progresser en toute conformité et en toute sécurité (gouvernance) et que notre navire contourne les icebergs et évite les tempêtes (risque). Si toutefois un imprévu survient, je veille à ce que nous ayons les outils nécessaires pour résoudre le problème et revenir rapidement à la normale (compliance). En bref, je contribue à ce que notre navire arrive à bon port en esquivant toutes les difficultés.

Qu’en est-il pour vous, Monsieur Gerber?

Daniel Gerber: J’ai, à proprement parler, deux missions. Entant que responsable Développement d’entreprise, je veille à ce que nous n’avancions pas avec un seul navire, mais avec toute une flotte. Il s’agit d’identifier les bonnes complémentarités (compétences et secteurs d’activité) pour la Poste, puis de se procurer les voiliers, sous-marins et horsbord (entreprises) qui nous permettront de conforter, ensemble, notre présence sur toutes les mers du monde et de gagner en attrait pour la clientèle. En tant que responsable de la Business Unit Digital Enabling, je suis aussi le skipper du yacht nouvellement acquis et je m’assure que notre équipe dispose des bonnes personnes et du bon matériel pour avoir du succès dans la compétition nautique (services de cybersécurité).

Vous êtes aussi tous deux responsables des acquisitions de la Poste (Mergers & Acquisitions, M&A). Pourquoi la Poste procède-t-elle à des rachats d’entreprises?

Martin Wegmüller: Depuis 175 ans, la Poste soutient et promeut le développement social et économique de la Suisse, tout en évoluant elle-même en permanence. Sous l’effet de l’automatisation et du passage au numérique, les besoins de la population et de l’économie ont changé très rapidement ces dernières années. Pour que la Poste puisse contribuer plei- nement à ce développement et répondre aux attentes de sa clientèle à l’avenir aussi, nous devons impérativement agir. Étant donné la vitesse à laquelle les changements se produisent, nous n’avons toutefois pas le temps de tout faire en interne. Nous avons donc opté pour une approche à deux niveaux: d’une part, nous développons nous-mêmes certaines nouvelles compétences et, d’autre part, nous nous les procurons par le biais d’acquisitions.

Daniel Gerber: Le partage de données dans le cloud, la signature électronique, la transmission de données confidentielles aux autorités ou la soumission d’une demande de client par chat font très largement partie de la «nouvelle normalité». Nous voulons contribuer de manière déterminante à ce développement. C’est pour-quoi nous recherchons de nouveaux partenariats qui s’inscrivent dans notre cœur de métier: la logistique et la communication. Nous pouvons ainsi acquérir un savoir-faire que nous aurions mis des années à construire en interne.

S’agit-il du savoir-faire requis pour exploiter les multiples plateformes numériques du monde du travail actuel, par exemple?

Daniel Gerber: Exactement. Nous voulons proposer des plateformes sécurisées permettant aux entreprises, aux autorités et à la population suisses de communiquer facilement entre elles et d’éviter de se perdre dans la jungle des prestataires. L’objectif est que ces plateformes facilitent la tâche des utilisatrices et des utilisateurs et fassent le travail à leur place. Nous voulons ainsi œuvrer au service d’une Suisse moderne, interconnectée et sécurisée sur le plan numérique. Globalement, les modes de communication ont beaucoup changé en quelques années seulement.

Martin Wegmüller: Oui, ils sont très différents et toujours plus numériques. De nos jours, une personne reçoit environ 200 lettres par an, contre des milliers de messages et une dizaine de milliers d’e-mails, la tendance étant à la hausse dans les deux cas. De tels volumes montrent que la communication numérique fait bien plus que de remplacer le courrier traditionnel. Cette tendance, ainsi que les besoins qui en découlent en termes de solutions et de plateformes numériques, vont clairement dans le sens d’une communication rapide, intuitive et surtout sécurisée. Et c’est précisément là que les fusions et acquisitions revêtent toute leur importance.

Malgré cette «nouvelle normalité», la Poste ne peut pas se transformer en un prestataire de services numériques du jour au lendemain.

Daniel Gerber: En effet, il s’agit d’une démarche de longue haleine. Nous voulons poursuivre notre croissance pour pouvoir proposer des solutions numériques dans toute la Suisse. Dans ce contexte, nous étoffons nos compétences dans les domaines où les besoins évoluent, tant pour la clientèle privée et commerciale, les autorités que les organisations du secteur de la santé.

Martin Wegmüller: Pour cette raison, la Poste entend moderniser le service public actuel, encore fortement basé sur les prestations physiques, et l’ancrer dans l’ère du numérique. Nous voulons rester un pilier central de l’infrastructure nationale pour les entreprises, les PME et la population, et compter parmi les meilleures organisations postales du monde. La Poste a donc besoin de fonds propres lui permettant d’investir de manière ciblée dans son développement.

Nous voulons poursuivre notre croissance pour pouvoir proposer des solutions numériques dans toute la Suisse.

Et de racheter des entreprises. Complexes et chronophages, les fusions et acquisitions n’aboutissent pas toujours. Avez-vous un plan B?

Daniel Gerber: Un seul plan B ne suffit pas: il en faut autant qu’il y a de lettres dans l’alphabet. Prenons l’exemple d’un investisseur. Plutôt que de tout miser sur une seule action, il a tout intérêt à opter pour un portefeuille diversifié. Il en va de même pour nos partenariats et nos acquisitions: nous tenons à jour une «liste de contacts» sur laquelle figurent des entreprises intéressantes. Si une première tentative se solde par un échec, la seconde sera peut-être la bonne.

Pour vous, les fusions et acquisitions sont comparables à des relations entre deux personnes?

Daniel Gerber: Oui, tout à fait. Pour acquérir une entreprise, il faut apprendre à la connaître, avoir un premier rendez-vous et vérifier qu’il y a des points de convergence tels qu’un langage commun, une attirance réciproque, un dialogue approfondi, des intérêts partagés, un logement qui convient, etc. Pour filer la métaphore de la relation, je dirais qu’il s’écoule un certain temps avant d’arriver à l’étape de la présentation aux parents (Direction du groupe). Néanmoins, même après cette étape, les revers ne sont pas exclus.

Vous considérez que les fusions et acquisitions sont importantes pour l’avenir de la Poste. Pourtant, elles sont mal perçues par l’opinion publique, qui estime qu’une entreprise privilégiée et proche de l’État telle que la Poste fait concurrence au secteur privé. Ce reproche est-il justifié?

Daniel Gerber: Nous sommes souvent confrontés à de telles critiques de la part de nos interlocuteurs. Au fil de la discussion, ils comprennent la situation et voient l’avantage de se lier à une entreprise aussi importante et utile que la Poste, ainsi que le grand objectif commun de la transformation.

Martin Wegmüller: Nous avons conscience que la mue de la Poste en un groupe résolument tourné vers l’avenir, qui propose un nombre croissant d’offres numériques pour les entreprises, les autorités et les acteurs de la santé, peut alimenter les débats. C’est une bonne chose car cela montre que la Poste suscite de l’intérêt au-delà de la seule thématique des lettres et des colis.

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